vendredi 19 mars 2010

CONTROLE TON STRESS, JE MAITRISE

Depuis les travaux du psychologue américain Karasek, nous savons que la latitude décisionnelle est une dimension centrale dans l'apparition des risques psychosociaux (le modèle stipule que la perception d'une faible latitude décisionnelle induit une probabilité accrue de ressenti de stress). Ce modèle est généralement utilisé en entreprise pour diagnostiquer les risques. Une seconde lecture du modèle se révèle intéressante car elle donne une piste pour expliquer pourquoi le stress au travail est un tabou.

Prélude:
Sur le chemin sinueux des vacances, monsieur (ou madame) conduit jovialement la voiture. Madame (ou monsieur) ressent lui (elle) l'inconfort de la position du passager.

Application traditionnelle du modèle de Karasek:
- Le conducteur a le contrôle sur la vitesse et la direction du véhicule et donc la latitude décisionnelle d'agir si un danger se présente. A son coté, le passager n'a aucune latitude (sauf celle de signaler son inconfort). Ce dernier est donc dans une situation de stress potentiel plus forte.
- En entreprise, tout comme dans cet exemple, ceux qui ont le contrôle souffrent généralement moins de stress. Le but est donc d'utiliser le questionnaire Karasek pour diagnostiquer le niveau de contrôle des uns et des autres et de trouver des solutions pour augmenter ce contrôle auprès des personnes qui en sont le plus dépourvues.

Seconde application du modèle de Karasek:
- S'il ne connaît pas le modèle de Karasek (et il est probable que ce soit le cas) le conducteur ne peut pas comprendre la réaction du passager (objectivement tout va bien pour lui donc il perçoit que ce devrait être le cas également pour le passager). Pour la même raison le passager, ne peut pas comprendre la réaction du conducteur (objectivement cela va mal pour lui donc il perçoit que ce devrait être le cas également pour le passager). 

- C'est bien sûr la même chose en entreprise. Le dirigeant, dont le niveau de contrôle est souvent supérieur à celui du salarié, ne peut pas comprendre le ressenti et la doléance du salarié, qui lui même ne peut pas comprendre l'attitude du dirigeant (a moins que tous ne connaissent ce modèle et c'est précisément le point). S'en suit un dialogue de sourd trop connu.

Moralité, pour briser le tabou du stress, il faut vulgariser ce modèle qui permet de comprendre les différences de perspectives dans la communication entre les différents acteurs. Et se comprendre, c'est un premier pas vers la prévention.

4 commentaires:

  1. Ce modèle est-il encore d'actualité en entreprise ?
    Il existe de moins en moins de contrôle en entreprise et ceci lié à la disparition, voire l'incitation, à l'absence de prise de décision.
    Cette tendance se confirme dans toutes les structures hierarchisées, les postes intermédiaires (que certains appelent affectueusement chefaillons) sont donc relictuels et devraient disparaître progressivement.
    Conséquence sur le modèle : Le passager ne sait pas qui conduit, ce qui bien sûr est bien pire, et ajoute au stress...
    Bref, ce modèle est dépassé...

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  2. Je suis globalement d'accord avec votre commentaire. A tous les échelons dans l'entreprise, la latitude décisionnelle semble diminuer. Par exemple un DRH d'une entreprise du CAC40 me disait récemment qu'il avait bien le volant mais qu'il naviguait désormais dans un brouillard opaque ! Il me semble néanmoins important de ne pas "jeter le bébé avec l'eau du bain":

    - globalement plus le niveau hiérarchique est élevé, plus la latitude décisionnelle est forte, même si cela tend à changer je vous l'accorde.

    - le modèle n'est pas "démodé" en ce sens qu'il explique bien la souffrance au travail. Ce n'est pas parce que il y a moins de latitude décisionnelle à tous les échelons que le modèle de Karasek ne marche pas. Ce qui ne marche pas c'est justement l'architecture de l'organisation du travail d'une part et la structure macro économique qui tend à augmenter l'incertitude d'autre part. A mon humble avis, ce qu'il faut ce n'est pas trouver un nouveau modèle, mais trouver des moyens appliquer enfin celui ci.

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  3. Je pense que le modele de Karasek qui relie un etat de stress de la personne avec une reduction de sa latitude decisionnelle me semble quelque peu simpliste. Imaginons maintenant le cas d'un chefaillon a qui un top manager donne carte blanche pour la realisation d'un projet dans des delais qu'il sait trop courts. Bien sur le top manager sait qu'il doit sortir ce produit a cette date pour avoir une chance contre la compagnie concurrente. Le chefaillon aura beau avoir toute latitude decisionnelle il n'en sera pas moins stresse. Sera t'il finalement plus stresse que l'ouvrier sur sa chaine de montage qui monte a longueur de journee la roue avant droite de la nouvelle Audi ?

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  4. Merci de cet échange pour le bénéfice de tous.
    Tout d'abord le modèle de Karasek marche bien en ce sens qu'il a été démontré comme étant très robuste statistiquement. C'est à dire que l'on a pu montrer une corrélation forte entre certaines pathologies (notamment cardio-vasculaires) et le quadrant du modèle ou la demande est forte et le contrôle ou la latitude décisionnelle sont faibles.
    Il y a plusieurs dimensions à la latitude décisionnelle et c'est ce qui fait la force du modèle. Avoir une forte latitude décisionnelle c'est aussi avoir les bons outils pour travailler, savoir sur qui compter en cas de problème, savoir où trouver des solutions, etc.. Dans votre exemple le top manager donne une illusion de latitude décisionnelle puisque le "chefaillon" ne contrôle en fait pas grand chose. Avoir une vraie latitude décisionnelle au sens du modèle serait d'avoir les outils, l'expertise, les ressources et l'autonomie pour mener à bien la mission.
    Ceci étant dit, oui, le modèle, comme tous les modèles actuels, à ses limites. La principale est de ne pas modéliser loin s'en faut toutes les causes possibles de stress. Mais dans le cadre d'une analyse demande / contrôle, il donne de bons résultats.

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