lundi 28 juin 2010

STRESS ET JUSTICE ORGANISATIONNELLE

Rencontre avec Dirk Steiner, professeur de Psychologie Sociale du Travail et des Organisations à l’Université de Nice. Dirk Steiner a publié de nombreux articles sur la justice organisationnelle.

Qu’est ce qui motive la recherche sur la justice organisationnelle ?
25 années de recherche sur la question suggèrent que la justice organisationnelle influence de manière significative différentes composantes de la  performance de l’entreprise.

Pourriez-vous nous donner un exemple ?
Les différentes dimensions de la justice organisationnelle expliquent 45% du niveau de la confiance des salariés sur le lieu de travail. En d’autres mots, l’injustice perçue dégrade de façon très importante le sentiment de confiance dans l’entreprise et de ses dirigeants. Les conséquences sont également de nature organisationnelle. Il est par exemple démontré que les manifestations de repli (absentéisme, roulement du personnel) s’expliquent pour un tiers par l’injustice organisationnelle perçue par les salariés. Par ailleurs, la supervision injuste est spontanément citée comme source de stress. La compréhension des mécanismes de l’injustice organisationnelle est donc un enjeu majeur de prévention des risques et du maintien des performances pour l’entreprise.

Vous parlez de différentes dimensions de la justice organisationnelle, pouvez-vous en citer une?
La justice organisationnelle est souvent relative à la manière dont les décisions sont prises et communiquées dans l’entreprise. Prenons le cas de la justice dite procédurale. Cette dernière est relative non pas à la décision elle-même mais à la manière dont cette décision est prise.

La forme compte donc plus que le fond ?
Elle compte au moins autant. Les recherches démontrent que dans un processus de décision, les personnes impliquées sont disposées à accepter la décision plus facilement si elles gagnent du contrôle sur le processus qui conduit à cette décision. Le point fondamental dans un processus de décision est donc: est-ce que l’on m’a demandé mon avis ? Si c’est le cas et de façon sincère et authentique, si donc ma voix compte, je me sens valorisé et reconnu. A défaut de trouver la décision juste, je la trouverai moins injuste que si je n’avais eu aucun contrôle sur la décision.

Quels sont les critères qui caractérisent un processus de prise décision pouvant être qualifié de juste?
La littérature de recherche en dénombre six au-delà de la participation ou la voix. Le processus devrait (a) être cohérent dans le temps et en fonction de l’audience, (b) être dénué d’intérêt particulier, (c) s’assurer que les opinions des différentes parties prenantes concernées par la décision ont été prises en compte, (d) être conforme à des standards moraux et éthiques, (e) intégrer des mécanismes pour corriger les décisions erronées, (f) être basé sur des informations précises et exactes.

Souvent les dirigeants pensent que c’est leur responsabilité de prendre des décisions.
C’est une erreur si l’on entend par décision un processus autoritaire. Les salariés veulent être consultés pour ce qui relève de leur domaine de compétence et ce qui affecte leur vie professionnelle directement. Le faire est une manière de leur communiquer qu’ils ont de la valeur.

Quelles sont les autres formes de justice organisationnelle ?
Citons également la justice interactionnelle qui est relative non plus au processus de décision lui-même, mais à la manière dont cette dernière est communiquée. En la matière une décision est perçue comme juste lorsqu’elle est communiquée avec dignité et respect et que les informations fournies sont satisfaisantes.

La justice organisationnelle est donc une affaire de communication?
C’est en tout cas un élément majeur permettant de prévenir l’injustice. Ces recherches nous démontrent que l’approche participative est importante pour la prise de décision et qu’il faut communiquer sur la manière dont la décision a été prise.

Comment évolue cette problématique de la justice organisationnelle dans la société?
Dans les moments d’incertitude, la justice nous rassure ou pas. Donc globalement, plus l’incertitude est grande et plus la sensibilité à l’injustice est forte. Or l’incertitude a tendance à augmenter actuellement dans le monde du travail…

Une note d’espoir pour finir
Dans l’entreprise, c’est l’autorité qui décide et contrôle les relations entre les parties prenantes impliquées dans les décisions et la stratégie de communication de ces dernières. La justice organisationnelle n’est donc pas hors de portée. Elle relève principalement d’un effort de formation auprès des managers et dirigeants.

Pour en savoir plus
Steiner, D. D., & Rolland, F. (2006). Comment réussir l’introduction de changements: les apports de la justice organisationnelle. Dans C. Lévy-Leboyer, C. Louche, et J. P. Rolland (Eds), RH: Les Apports de la Psychologie du Travail. 2. Management des Organisations (pp. 53-69). Paris: Editions d'organisation.

Steiner, D. D. (2006). Equité et justice au travail. Dans J. Allouche (Ed.), Encyclopédie des Ressources Humaines, 2nd Edition (pp. 389-396). Paris : Vuibert.

Steiner, D. D., Roques, M., Pichot, N., &, Maisonneuve, C. (2010). Un champ d’application : Les ressources humaines et l’insertion professionnelle. Dans P. Morchain et A. Somat (Eds.), La psychologie scientifique, applicabilité et applications (pp. 267-303). Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

jeudi 24 juin 2010

LES SUJETS DU BACCALAUREAT QUI POURRAIENT AVOIR RAISON DU STRESS



Philosophie : « Bien-être et performance sont-ils compatibles ? »

Je dirais oui et non, mais je ne suis pas totalement sûr.

Economie : Quel est le modèle dominant de l’économie Française au XXIème siècle?

A la télé j’ai entendu que les agriculteurs galèrent grave (même mes amis dans les vignobles du beaujolais dépriment). Donc côté secteur primaire c’est plus trop le top. Par ailleurs, vu que mon nouveau téléphone est fabriqué en Chine, mes baskets au Vietnam et mon polo au Bangladesh je dirais que le secteur de l’industrie à faible valeur ajoutée souffre aussi. Conclusion cher correcteur, sans parler de la consommation intérieure, il faut que l’on assure un max dans l’industrie à forte valeur ajoutée et dans les services.

Sciences sociales : Comment créer de la valeur ?

Facile, en ayant de bonnes idées avant les autres, mais c'est balèze. Moi, je préfère être flexible pour m’adapter aux bonnes idées des autres.

Sciences : Quelles sont les conditions du processus créatif ?

La semaine dernière j’ai essayé de réviser le droit social après l’apéro géant du quartier et j’ai semblé manquer d’inspiration. Moi perso, les idées me viennent après la sieste. Alors je dirais qu’il faut être zen et travailler dans de bonnes conditions.

Psychologie : Quel est la règle principale de l’adaptation au changement ?

Le zéro mépris.

Pour le coup je voudrais répondre à nouveau à la question de philo. Dans notre monde globalisé, la performance économique des sociétés occidentales dépend de leur capacité à créer de la valeur. Or la création de valeur passe par l’innovation et la flexibilité qui elles-mêmes nécessitent des conditions de travail harmonieuses. Les chemins du bien-être et de la performance convergent donc. CQFD.

mardi 22 juin 2010

STRESS : MIEUX VAUT PREVENIR QUE SOUFFRIR




La crise économique peut ressembler à une double peine pour les entreprises en ce sens qu’elle assèche leur capital financier en même temps qu’elle fragilise leur capital humain. Ce dernier point est illustré dans une enquête menée pour le Conseil d'orientation pour l'emploi (1) qui illustre que plus des trois quarts des salariés et chômeurs considèrent que la crise a eu un impact sur leur situation avec pour première conséquence la dégradation des conditions de travail. Cette dernière se traduit souvent par une démotivation, une dégradation de l'ambiance, une tension accrue ou des rythmes plus intenses. Le cercle de l’appauvrissement s’entretient alors de sa propre dynamique.
En ces temps de crise économique, il est facile de n’accorder à la prévention du stress qu’une priorité secondaire. Disons le clairement, c’est une erreur fondamentale. Car le stress chronique correspond à une logique circulaire qui affecte profondément et durablement la chaîne de la création de la valeur. Les salariés voient tout d’abord leur santé pénalisée ce qui directement ou indirectement contrarie la santé des entreprises en son point de vulnérabilité, le porte monnaie. Car en raison de ses manifestations collectives telles que l’absentéisme et la démotivation et de leurs conséquences directes et indirectes, le stress coûte. En ce sens la prévention est une priorité économique et financière à partir du moment où la richesse de l’entreprise repose sur son capital humain ce qui est de plus en plus le cas dans une économie de la connaissance dominée par les services.
Si les conséquences du stress sont désormais connues, une question subsidiaire et polémique à souhait agite et cristallise les tensions : faut-il prévenir (par exemple repenser l'organisation du travail) ou gérer (par exemple accompagner les personnes en difficulté) le stress? Pour toute forme de réponse, voici une histoire de notre temps.
Au Bangladesh, la montée des eaux menace gravement de nombreuses exploitations agricoles et leurs habitants. A défaut de pouvoir empêcher les eaux de monter, des digues se construisent pour prévenir le danger d'inondation. Par ailleurs, différentes ONG dont l'UNICEF adoptent une toute autre stratégie, elles apprennent à nager aux enfants! Démonstration que la prévention en amont est complémentaire et non contradictoire avec la gestion en aval.
Tout comme dans cette histoire, des solutions existent pour prévenir et gérer le stress que certains nomment le « mal du siècle ». S’il est malheureusement difficile de stopper la « montée des eaux » (l’accélération du temps, la guerre économique mondiale), les chercheurs ont démontré comment « construire des digues » (formation à la prévention, intervention ergonomique, amélioration des conditions de travail, etc.) et comment accompagner les salariés en difficulté (coaching, psychothérapie, etc.).
En résumé, s’il vaut mieux prévenir le stress que souffrir de ses conséquences sociales et économiques, entre prévenir et guérir il n’y a pas toujours lieu de choisir.

(1) Enquête menée auprès de 900 salariés et 300 chômeurs, interrogés du 3 au 12 mai 2010. 

mercredi 16 juin 2010

TABLEAUX DE BORD RH

La prévention du stress en entreprise passe par une réflexion sur le travailler mieux et le travailler ensemble. Elle dépend également de l'évolution de la science du pilotage RH pour pouvoir quantifier ces évolutions. En la matière il y a des progrès à faire..


Tableau de bord RH



Tableau de bord DAF

mardi 15 juin 2010

CAPITAL HUMAIN : DE L'IMPORTANCE DE LA MESURE

Selon le principe de bon sens que sans mesure la gestion est impossible, la sophistication mathématique sert souvent la cause de l'amélioration des performances. Ici et là des instruments de mesure et d'analyse fleurissent donc pour aider les gestionnaires à prendre de meilleures décisions. 


Par exemple, si vous cherchez à gérer un portefeuille d'actions et visitez un site de bourse en ligne, vous pourriez trouver cela :
Le MACD est négatif, mais il se situe au-dessus de sa ligne de signal : la tendance est en train de changer. Maintenant, le MACD doit franchir zéro pour que la hausse se poursuive dans les jours à venir. Le RSI est supérieur à 50, cela confirme une bonne orientation du titre. Mais les indicateurs stochastiques sont élevés, ce qui doit inciter à la prudence à très court terme. Les volumes échangés sont inférieurs à la moyenne des volumes sur les 10 derniers jours.

Aussi abscons ce langage soit-il, il suggère que des outils existent pour mesurer les paramètres étudiés.


Si vous cherchez maintenant à gérer le stress et la démotivation dans votre entreprise, vous pourriez trouver que les analyses chiffrées ... brillent par leur absence ! Quelques chiffres sont bien sûr publiés dans le document unique, mais force est de constater que l'intérêt des "forts en math" ne s'est pas porté vers la science de la gestion du capital humain en entreprise. Ceci est très problématique étant donné l'ampleur du problème. 


Pour faire reculer la souffrance au travail il faut inciter les décideurs à le faire. Les chiffres sont la meilleure manière d'y parvenir. La méthodologie pour consolider ces chiffres existe, c'est notre expertise.

lundi 7 juin 2010

L'OPPORTUNITE OFFERTE AUX DRH


Le profil type du salarié stressé semble être celui de l’opérateur de centre d’appel. Conflits de valeurs latents, autonomie improbable et cadences néo tayloriennes forment une alchimie toxique. Cependant, loin des scripts formatés et des open space surpeuplés une autre catégorie socioprofessionnelle souffre, les DRH.
Brève échange de couloir en entreprise ou comment une demande et une réponse légitimes conduisent à une incompréhension qui ne l’est pas moins :
-       « Comment augmenter l’EBIT le trimestre prochain ? »
-       « Un programme de reconnaissance au travail pourrait doper l’engagement des salariés ».
Telle est la douloureuse réalité des DRH dans de nombreuses entreprises. Gestionnaires de centres de coûts ils sont dévalorisés sur l’autel du rendement sonnant, trébuchant et visible sur les tableaux de bords financiers. Comment alors réconcilier le pragmatisme nécessaire du dirigeant et l’engagement social du DRH ? 
Comme le suggère la séquence ci-dessous, la réponse à cette interrogation tient en quelques mots : profiter de la mondialisation.
- En raison de leur structure de coûts et de leur système de protection sociale, les économies occidentales peinent à produire des biens à tarification concurrentielle avec celle des pays émergents. Lorsque l’on ne peut, ou ne sait plus fabriquer moins cher, le salut consiste à créer de la valeur par l’innovation, la flexibilité et la qualité.
- Or l’innovation et la flexibilité requièrent des ressources mentales que le stress chronique dévalise.
- Par ailleurs, la mondialisation génère de l’incertitude et une accélération du temps qui sont des agents de stress puissants.
Conclusion, en France et dans les puissances occidentales, la mondialisation accentue le besoin d’une gestion attentive du capital humain en même temps qu’elle tend mécaniquement à l’éroder. Conséquence, la gestion des ressources humaines devient un enjeu majeur et incontournable de performance économique de l’entreprise. Dans un monde globalisé, les chemins de la performance économique et sociale durable convergent.
La responsabilité de la gestion du capital humain est la prérogative des DRH. Or, « la règle d’or dans les affaires est que celui qui a l’or fait la règle ».
Ce sont donc les DRH qui tiennent les clés du coffre ! Charge à eux d’apprendre à inventorier et à démontrer que l’actif immatériel est la solution aux défis matériels. Charge a eux de parler le langage des affaires pour pouvoir convaincre et ainsi poursuivre leur mission des gestionnaire des ressources humaines. Quel sera le retour sur investissement d’un plan de formation des managers à la prévention des risques psychosociaux ? Quel est le coût de l’absentéisme ? Telles sont les questions auxquelles doit désormais répondre le DRH. Ainsi par exemple le coût de l’absentéisme n’est pas 4,4%, mais 357309 euros. Entre ces deux propositions, il y a bien plus qu’une variation sémantique.
Dans cette optique, le DRH n’est plus le mauvais gestionnaire d’un bilan perpétuellement déficitaire, mais le chef d’orchestre irremplaçable de la gestion des coûts cachés. Il devient l’allié stratégique du pouvoir en entreprise pour l’optimisation de la performance économique. Les risques psychosociaux peuvent être en réalité des opportunités sociales et économiques pour qui veut bien les comprendre. A charge des DRH de devenir les acteurs de cette révolution.

jeudi 3 juin 2010

PREVENIR L'ABSENTEISME


Depuis plusieurs mois, l'absentéisme fait régulièrement la une de l’actualité
(absentéisme des salariés, absentéisme des électeurs, absentéisme des parlementaires et désormais absentéisme scolaire). Tant et si bien qu'il est intéressant de s’interroger sur les causes de cette épidémie moderne frappant la douce France ainsi que sur les méthodes disponibles pour le prévenir et le gérer. Toute proportion gardée, l'abstention est un bon point de départ pour nourrir cette réflexion en ce sens que l‘absentéisme des électeurs a été très largement étudié, enjeux politiques aidant.
L'abstention, disent les sociologues, exprime une incompréhension, un mécontentement, voire une volonté de marquer une défiance à l'encontre des candidats. Le refus de prendre part au vote traduirait une forme de retrait, d'éloignement, d'indifférence et d'incompréhension des citoyens à l'égard des institutions. S’il n’est pas totalement transposable, ce parallèle entre abstention et absentéisme invite à la réflexion, à chacun de se faire un avis sur le sujet.
Pour raisonner sur l’absentéisme au travail, il faut emprunter deux chemins. Le premier, l’analyse de ses causes, ressemble à un chemin de grande randonnée en montagne, ardu mais bien balisé. L'absentéisme est ainsi connu pour être contagieux s'il n'est pas géré et multifactoriel (maladies indépendantes de l'activité professionnelle, maladies consécutives à des accidents du travail, maladies liées au vieillissement de la population active, problème de démotivation des salariés). La dernière de ces composantes ouvre un large éventail de possibilités, puisqu’elle nous interroge sur la relation du salarié avec sa hiérarchie, le sens de l'engagement, sur la justice organisationnelle et les conditions de travail dans l'entreprise. Retenons pour simplifier que l’absentéisme n'est pas une fatalité, mais souvent un témoin, une alarme signalant une détérioration perçue de la qualité de l’environnement de travail au sens le plus large du terme. En ce sens l’analyse de ses causes (et non pas uniquement celle de sa conséquence chiffrée, le taux de l’absence) est la première étape de la prévention.
Pour le second chemin, celui de l’analyse des solutions existantes pour prévenir et gérer l’absentéisme, le périple est tout aussi ardu mais il n'y a ni balises ni cartes! L’alarme sonne mais personne ne sait réellement ce qu’elle indique.
On trouve bien sûr quelques chiffres rassemblés à l’occasion du bilan social, mais à l'heure de l’ingéniosité mathématique des modèles de la finance, la science de la gestion de l'absentéisme reste unidimensionnelle (la mesure du taux d’absentéisme) et étrangement rudimentaire ! Pourtant l'enjeu économique est de taille et la prévention de l'absentéisme démontre souvent être un projet de rentabilité à deux chiffres.
Ainsi l’absentéisme des données et des méthodes de gestion explique en partie l’inquiétante tendance haussière de l’absentéisme au travail. Des outils existent pour changer cette réalité, au bénéfice de la performance durable des entreprises.