Rencontre avec Dirk Steiner, professeur de Psychologie Sociale du Travail et des Organisations à l’Université de Nice. Dirk Steiner a publié de nombreux articles sur la justice organisationnelle.
Qu’est ce qui motive la recherche sur la justice organisationnelle ?
25 années de recherche sur la question suggèrent que la justice organisationnelle influence de manière significative différentes composantes de la performance de l’entreprise.
Pourriez-vous nous donner un exemple ?
Les différentes dimensions de la justice organisationnelle expliquent 45% du niveau de la confiance des salariés sur le lieu de travail. En d’autres mots, l’injustice perçue dégrade de façon très importante le sentiment de confiance dans l’entreprise et de ses dirigeants. Les conséquences sont également de nature organisationnelle. Il est par exemple démontré que les manifestations de repli (absentéisme, roulement du personnel) s’expliquent pour un tiers par l’injustice organisationnelle perçue par les salariés. Par ailleurs, la supervision injuste est spontanément citée comme source de stress. La compréhension des mécanismes de l’injustice organisationnelle est donc un enjeu majeur de prévention des risques et du maintien des performances pour l’entreprise.
Vous parlez de différentes dimensions de la justice organisationnelle, pouvez-vous en citer une?
La justice organisationnelle est souvent relative à la manière dont les décisions sont prises et communiquées dans l’entreprise. Prenons le cas de la justice dite procédurale. Cette dernière est relative non pas à la décision elle-même mais à la manière dont cette décision est prise.
La forme compte donc plus que le fond ?
Elle compte au moins autant. Les recherches démontrent que dans un processus de décision, les personnes impliquées sont disposées à accepter la décision plus facilement si elles gagnent du contrôle sur le processus qui conduit à cette décision. Le point fondamental dans un processus de décision est donc: est-ce que l’on m’a demandé mon avis ? Si c’est le cas et de façon sincère et authentique, si donc ma voix compte, je me sens valorisé et reconnu. A défaut de trouver la décision juste, je la trouverai moins injuste que si je n’avais eu aucun contrôle sur la décision.
Quels sont les critères qui caractérisent un processus de prise décision pouvant être qualifié de juste?
La littérature de recherche en dénombre six au-delà de la participation ou la voix. Le processus devrait (a) être cohérent dans le temps et en fonction de l’audience, (b) être dénué d’intérêt particulier, (c) s’assurer que les opinions des différentes parties prenantes concernées par la décision ont été prises en compte, (d) être conforme à des standards moraux et éthiques, (e) intégrer des mécanismes pour corriger les décisions erronées, (f) être basé sur des informations précises et exactes.
Souvent les dirigeants pensent que c’est leur responsabilité de prendre des décisions.
C’est une erreur si l’on entend par décision un processus autoritaire. Les salariés veulent être consultés pour ce qui relève de leur domaine de compétence et ce qui affecte leur vie professionnelle directement. Le faire est une manière de leur communiquer qu’ils ont de la valeur.
Quelles sont les autres formes de justice organisationnelle ?
Citons également la justice interactionnelle qui est relative non plus au processus de décision lui-même, mais à la manière dont cette dernière est communiquée. En la matière une décision est perçue comme juste lorsqu’elle est communiquée avec dignité et respect et que les informations fournies sont satisfaisantes.
La justice organisationnelle est donc une affaire de communication?
C’est en tout cas un élément majeur permettant de prévenir l’injustice. Ces recherches nous démontrent que l’approche participative est importante pour la prise de décision et qu’il faut communiquer sur la manière dont la décision a été prise.
Comment évolue cette problématique de la justice organisationnelle dans la société?
Dans les moments d’incertitude, la justice nous rassure ou pas. Donc globalement, plus l’incertitude est grande et plus la sensibilité à l’injustice est forte. Or l’incertitude a tendance à augmenter actuellement dans le monde du travail…
Une note d’espoir pour finir
Dans l’entreprise, c’est l’autorité qui décide et contrôle les relations entre les parties prenantes impliquées dans les décisions et la stratégie de communication de ces dernières. La justice organisationnelle n’est donc pas hors de portée. Elle relève principalement d’un effort de formation auprès des managers et dirigeants.
Steiner, D. D., & Rolland, F. (2006). Comment réussir l’introduction de changements: les apports de la justice organisationnelle. Dans C. Lévy-Leboyer, C. Louche, et J. P. Rolland (Eds), RH: Les Apports de la Psychologie du Travail. 2. Management des Organisations (pp. 53-69). Paris: Editions d'organisation.
Steiner, D. D. (2006). Equité et justice au travail. Dans J. Allouche (Ed.), Encyclopédie des Ressources Humaines, 2nd Edition (pp. 389-396). Paris : Vuibert.
Steiner, D. D., Roques, M., Pichot, N., &, Maisonneuve, C. (2010). Un champ d’application : Les ressources humaines et l’insertion professionnelle. Dans P. Morchain et A. Somat (Eds.), La psychologie scientifique, applicabilité et applications (pp. 267-303). Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Bonjour,
RépondreSupprimervous avez cité la référence suivante :
Steiner, D. D., Roques, M., Pichot, N., &, Maisonneuve, C. (2010). Un champ d’application : Les ressources humaines et l’insertion professionnelle. Dans P. Morchain et A. Somat (Eds.), La psychologie scientifique, applicabilité et applications (pp. 267-303). Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Elle est erronée, c'est en réalité :
Steiner, D. D., Roques, M., Pichot, N., &, Maisonneuve, C. (2010). Un champ d’application : Les ressources humaines et l’insertion professionnelle. Dans P. Morchain et A. Somat (Eds.), La psychologie sociale : applicabilité et applications (pp. 267-303). Rennes, Presses Universitaires de Rennes.