jeudi 27 janvier 2011

LA NORME MONDIALE SUR LE BIEN ETRE EXISTE, MAIS...


Scoop. La norme sur le bien-être existe. Pour la déployer en entreprise il faudra cependant repasser car cette norme est destinée au bien-être ... des poulets de chair. Regardons de plus près cette initiative louable mais intrigante qui nous ferait presque regretter de ne pas chanter le lever du jour. Le bien-être animal a été défini pour la première fois comme un domaine d'action prioritaire dans le cadre du Plan stratégique de l'OIE (Organisation Mondiale de la Santé Animale) couvrant la période 2001  –  2005. Les Pays et Territoires Membres ont donné mandat à l'OIE d'élaborer des recommandations et des lignes directrices sur les pratiques applicables en ce domaine, en réaffirmant que la santé animale est une composante clé du bien-être animal.



l’OIE précise : ”On entend par bien-être la manière dont un animal évolue dans les conditions qui l’entourent. Le bien-être d’un animal (évalué selon des bases scientifiques) est considéré comme satisfaisant si les critères suivants sont réunis : bon état de santé, confort suffisant, bon état nutritionnel, sécurité, possibilité d’expression du comportement naturel, absence de souffrances telles que douleur, peur ou détresse. Le bien-être animal requiert les éléments suivants : prévention et traitement des maladies, protection appropriée, soins, alimentation adaptée, manipulations réalisées sans cruauté..."

Nous apprenons également que "L'OIE a réuni une première conférence mondiale sur le bien-être animal en février 2004" et que "depuis mai 2005, l’Assemblée mondiale des Délégués de l'OIE, qui représente les 177 Pays et Territoires Membres, a adopté sept normes relatives au bien-être animal". Ces normes concernent :

·   le transport des animaux par voie terrestre

·   le transport des animaux par voie maritime

·   le transport aérien des animaux

·   l'abattage des animaux destinés à la consommation humaine

·   la mise à mort d'animaux à des fins de contrôle sanitaire

·   le contrôle des populations de chiens errants

·   l'utilisation d'animaux pour la recherche et l'enseignement

·   le bien-être des poissons d'élevage pendant le transport

·   les aspects du bien-être animal liés à l'étourdissement et à la mise à mort des poissons d'élevage destinés à la consommation humaine.


Ces normes sont régulièrement mises à jour afin de prendre en compte les dernières découvertes scientifiques.

L'Union européenne n'est pas en reste. Elle prévoit des mesures générales qui visent à assurer la protection et le bien-être des animaux. "Ces mesures porteront sur l'amélioration des normes, le développement de la recherche et d'indicateurs, l'information des professionnels et des consommateurs ainsi que l'action au niveau international."

Amis gaulois, proposons donc la conférence mondiale sur le bien-être au travail des humains. Proposons également des normes "régulièrement mises à jour afin de prendre en compte les dernières découvertes scientifiques" concernant :

·   la formation (initiale et continue) des managers à la prévention des risques sociaux

·   l'intégration de la performance sociale dans les objectifs des managers

·   la formation des dirigeants et des contrôleurs de gestion à la mesure des coûts cachés

·   le renforcement des moyens mis à disposition de la médecine du travail


·   l'application du principe de précaution concernant des techniques de management non validées



Peut-être pourrons nous alors aller au travail en sifflant. 

vendredi 14 janvier 2011

TECHNOSTRESS


Rencontre avec Florian Sala, professeur en management des ressources humaines et directeur scientifique du programme MSc HRM à Skema. Il a écrit et dirigé quatre ouvrages et de nombreux articles sur ses expériences professionnelles.

Le mois dernier a vu la publication de deux communiqués de presse[1],[2] qui donnent du poids aux avertissements que vous formuliez dès 2003[3]. Qu’est ce donc que le technostress?

Le technostress fait référence aux conséquences de l’utilisation importante des nouvelles technologies sur la santé physique et mentale des personnes qui les utilisent. C’est un sujet vaste et important qui a de multiples composantes. Certaines d’entre elles procèdent du bon sens, d’autres sont complexes et enfouies dans nos mécanismes inconscients. Il est important de mettre à jour ces mécanismes pour pouvoir mieux prévenir les risques associés au technostress.

Quelles sont donc les causes du technostress ?

L’utilisation massive des technologies pose en premier lieu un problème d’ergonomie. Il semble que nous ne soyons tout simplement pas fait pour regarder un écran d’ordinateur à 50 cm de son nez douze heures par jours.
Ensuite se pose le problème de la gestion des temps improductifs. Les téléphones de dernière génération laissent peu de répit aux cadres qui ne peuvent se « déconnecter » de stimulations associées à des temps de réponses qui doivent par ailleurs être toujours plus courts. Or nous avons tous besoin de temps de récupération et d’un endroit où l’on ne soit pas contrôlé. La technologie pose également la question de la quantité d’information que l’on puisse traiter puisque la réception de nombreux emails a été clairement identifiée comme un facteur de stress.

N’existe t-il pas également un paradoxe entre communication et information ?

Bien sûr. Pour le dire simplement, la technologie met à notre disposition toujours plus d’information et nous habitue à des comportements caractérisés par toujours moins de communication. Il y a là les conditions d’une perte de relation, d’une perte de sens. On ne sait plus faire quelques pas, monter quelques marches, aller taper à la porte d’un collègue.

Vous mentionniez également des mécanismes inconscients.

Le rapport entre l’homme et la machine est complexe et ambivalent. L’attirance vers l’objet technologique n’est pas neutre puisque ce dernier est souvent personnalisé. L’homme avide de liberté et de puissance pense assouvir ces besoins grâce à la technologie. Mais le contrôle de l’homme sur la machine est une illusion tristement ironique. Nous avons cru que nous allions pouvoir dominer le monde grâce à la technologie mais un simple écran bleu nous glace de frustration. Ainsi parle t-on désormais de « Smartphones », appellation symbolique qui ne fait que consacrer la victoire de la technologie sur l’homme, lequel porte inconsciemment le poids de cette défaite humiliante.

Quels sont les symptômes du technostress ?

Mis à part certains problèmes (troubles oculaires, tendinites, etc.), la technologie a globalement tendance à favoriser la diminution la pénibilité physique. En revanche elle augmente la charge psychique ce qui se traduit par une probabilité accrue de risques psychosociaux et psychosomatiques. En effet, l’utilisation de la technologie exige une très grande activité mentale et cérébrale : haut degré de mémorisation, attention, vigilance, compréhension rapide de l’information, anticipation, acuité perceptive, représentation mentale d’abstractions logiques ou complexes, etc. Par ailleurs, plus la charge psychique augmente et plus les comportements du sujet au travail deviennent asociaux (rejet, repli, fuite, suicide, agressivité, rétention d’information violence).

Le technostress touche t-il uniquement les férus de technologie ?

Non. L’incapacité de savoir ou de pouvoir utiliser la machine est une terrible frustration pour l’homme. Elle touche ceux qui n’arrivent pas à suivre le rythme éperdu des avancées technologiques et ceux qui s’y donnent entièrement sans y trouver la satisfaction escomptée lorsque la machine tombe en panne par exemple. Dans ces cas on ne maîtrise plus rien, le contrôle, qui est directement relié à la santé mentale, a disparu laissant place à un violent sentiment d’impuissance.

Que faire alors ?

Comme pour d’autres addictions nous pouvons commencer par vulgariser sur les risques associés à l’utilisation abusive des TIC. Nous pouvons ensuite nous poser la question du rapport que nous entretenons avec la technologie et du rôle qu’elle doit avoir dans notre vie. Est-ce une fin ou un moyen ? Nous devons ensuite nous familiariser avec les avancées de l’ergonomie, notamment celles concernant la charge mentale.

Par exemple ?

Le stress psychosocial résulte de l’inadéquation entre le fonctionnement psychique, les besoins et les aspirations du salarié et l’organisation du travail. Nous avons besoin de temps morts, de phases absentes de sollicitations. Par ailleurs l’anxiété et la dépression émergent davantage au fur et à mesure que les individus se doivent d’assimiler des données sans cesse nouvelles. Il faut donc travailler à la gestion la quantité d’information, savoir par exemple discriminer l’important de l’urgent.

Pour en savoir plus
Sala, F. (2004) « Un psy chez les DRH » Editions d’organisation


[1] Communiqué de presse « Canon France organise une journée sans mails afin de favoriser le bien-être de ses collaborateurs. »
[2] La CFE-CGC dénonce l’utilisation des smartphones chez les cadres
[3] F. Sala « Un psy chez les DRH » Editions d’organisation - 2004 (chapitre 5 – Technostress)

vendredi 7 janvier 2011

STRESS ET EQUILIBRE

Face à l'émotion et au désarroi qu'il suscite, les jugements à propos du stress invitent souvent à des prises de position tranchées. Ennemi public, le stress doit donc disparaître. Pour atteindre cet objectif, une forme de logique tend à prescrire la disparition de ses causes ("pour éliminer l'effet, éliminons ses causes"). Ce raisonnement fort malheureusement conduit à de dangereuses erreurs. Prenons quelques exemples. De nombreuses études récentes montrent que l'excès de charge de travail et l'absence d'autonomie sont des agents de stress. Il faudrait donc réduire considérablement la charge et augmenter considérablement la latitude décisionnelle. Si généralement une charge de travail excessive accroît effectivement le niveau de risque (il s'agit d'une considération statistique, il est entendu que chacun(e) réagit différemment), paradoxalement une charge trop faible peut également entraîner des risques. Bien des accidents, sur les terrains de sport, lors d'activités domestiques, ou au travail surviennent lorsque la charge (physique ou mentale) est insuffisante pour solliciter l'attention et la vigilance de la personne considérée. Sans parler de la perte d'estime qui menace celle ou celui qui se retrouve "au placard". A l'extrême on trouve même les techniques de déprivation sensorielles utilisées naguère comme instrument de torture dans les prisons crasseuses. L'absence de charge nuit donc tout autant que son excès. Il faut donc trouver le bon équilibre, ce dernier pouvant être différent d'une personne à l'autre.
Le cas de l'autonomie est tout aussi révélateur. Depuis Karasek, nous savons que l'absence de latitude décisionnelle peut-être un fort agent de stress. Mais à l'inverse, le travail en totale autonomie conduit parfois à l'isolement, qui est un tout aussi délétère.
S'il faut donc être habile dans la "gestion" des agents de stress, il faut également éviter de se consacrer corps et biens au développement de ses modérateurs. La pratique sportive par exemple, qui est un facteur reconnu de réduction du stress, peut devenir un agent de stress lorsqu'elle a pour seul objectif de repousser les limites de l'athlète qui la pratique.
Tout est donc dans la nuance, dans l'équilibre, dans l'observation de chaque contexte et dans la compréhension des besoins de chacun.

samedi 1 janvier 2011

LES ORANGES PAS CHERES ET LES RISQUES PSYCHO-SOCIAUX

Depuis plus de deux ans les risques psychosociaux occupent une place importante dans l'espace médiatique français. 2011 sera t-elle (enfin) l'année de la mise en action de démarches sérieuses de prévention ? Il faut bien sûr l'espérer, il en va de la santé de nombreux salariés (et de nombreuses entreprises). En attendant, une question trop souvent occultée mérite l'analyse : est-ce que parler des risques psychosociaux aide à faire avancer la cause de la prévention de ces risques ? L'idée n'est pas de nier l'évidence, mais de réfléchir à la meilleure façon de faire avancer la cause. Parce que les mots ont leur importance. Pour accompagner cette réflexion et l'agrémenter par une dose de bonne humeur (ce qui au passage ne fera pas de mal, bien au contraire, le rire étant qualifié par certains spécialiste comme "l'aspirine du stressé") nous pourrions méditer un classique de Fernand Reynaud "Les oranges pas chères". Considérons donc mot à mot cet acronyme dissonant :

RPS (Risques Psychosociaux)

- "Risque", en premier lieu, fait référence à la probabilité d'apparition d'un événement indésirable. Etant donné que les événements en question touchent désormais plus d'un salarié sur 5 et que toutes les catégories sociales sont représentées, l'étendue du problème est telle que la majorité des entreprises sont désormais concernées. Puisque tel est le cas il ne s'agit plus d'un risque mais d'une réalité et la référence au risque est donc inutile. 
- "Psycho" peut-être un terme engageant lorsque l'on devise de thérapie (ou de cinéma pour les amateurs de Hitchcock). Mais puisque l'objectif est de mobiliser vers la prévention les grands pragmatiques que sont la plupart des décideurs en entreprise, l'effet de séduction semble très aléatoire. La référence au "psycho" est donc au mieux maladroite et au pire contre productive. 
- Le teme "Sociaux" clôt ce nouveau mantra de la presse. S'il est loin de manquer d'intérêt, il serait certainement mieux valorisé hors du contexte des risques auquel cet acronyme tend fâcheusement à l'associer. Par ailleurs "Sociaux" dans ce contexte suggère désagréablement que les individus sont à l'origine des risques. Ceci serait sans conséquence s'il n'existait une théorie persistante conduisant à imputer à la fragilité mentale des individus les causes des risques psychosociaux. Puisque cette théorie est largement contestable mieux vaut également s'abstenir d'utiliser ce terme. 

Pour prévenir les RPS il faudrait donc sans doute commencer par ne plus en parler, ou plus exactement par recycler cet acronyme imprécis, fort peu mobilisateur et tendancieux. Pourquoi tout simplement ne pas oeuvrer collectivement pour l'amélioration des conditions de travail en entreprise ? Pourquoi ne pas mobiliser les énergies autour de la performance globale (sociale et économique) de l'entreprise ?