mercredi 31 mars 2010

LES QUESTIONNAIRES D'EVALUATION DU STRESS : OUI, MAIS

Si vous êtes impliqués dans la gestion des risques psychosociaux en général et du stress au travail en particulier, il y a de fortes chances que vous ayez entendu parler de Karasek. Ce psychologue américain a en effet donné son nom à un des modèles les plus utilisé lors des travaux de diagnostic du stress en entreprise (ce modèle stipule que la concomitance d'une forte demande, d'une faible latitude décisionnelle et d'un faible soutien social accroît les risques de certaines pathologies, notamment cardio vasculaires). Lorsqu'ils sont validés, c'est à dire que leurs qualités psychométriques sont démontrées scientifiquement, les modèles sont utiles. Ils offrent en effet un protocole opérationnel de qualité pour l'administration de questionnaires salariés qui eux mêmes permettent des enquêtes rapides (surtout dans le cadre d'entreprises multi-sites ou / et de grande taille). Par ailleurs, les questionnaires permettent de faire un suivi cohérent dans le temps et ils rendent également possible la comparaison des résultats de plusieurs entreprises ayant utilisées le même outil (si ces données sont publiées).
Le risque cependant est de leur attribuer une confiance aveugle et d'en attendre un diagnostic complet et précis. Or, il n'existe pas aujourd'hui de questionnaire "couteau suisse" permettant de couvrir toutes les causes possibles de stress en entreprise. Par exemple, le questionnaire validé WOCCQ (Working Conditions and Control Questionnaire), qui est un des meilleurs outil actuel, permet selon ses auteurs d'expliquer 40% à 50% du stress par les conditions de travail. C'est à dire que dans ce cas il existe des causes de stress non modélisées (pour cet exemple elles peuvent être de nature sociale ou familiale). Si ces causes non modélisées par l'outil sont justement celles qui sont problématiques dans votre entreprise, l'utilisation de l'outil vous conduira dans une mauvaise direction. La couverture des causes de stress de ces questionnaires étant imparfaite il faut donc les choisir avec précaution, selon le contexte, et éventuellement les combiner.

mardi 30 mars 2010

ECO STRESS

Un quotidien français titrait hier sur une nouvelle forme supposée de stress, l'angoisse écologique. L'accumulation de sombres perspectives environnementales relayées avec force par les experts, médias et autres cinéastes serait à l'origine d'une éco-anxiété chez certains individus. Avant de chercher un "éco-psychologue" pour savoir ce dont il s'agit en détail, il est possible de trouver de nombreux éclaircissements sur ces troubles dans les travaux du génial Henry Laborit. Car Laborit, médecin chirurgien et neurobiologiste français avait tout compris. Il a mis en évidence dans les années 1960, le mécanisme d'inhibition de l'action: 


Dans nos sociétés urbaines, l'individu ne peut ni fuir, ni lutter contre son environnement culturel.

Selon Laborit, c'est l'inhibition de nos pulsions naturelles et défensives de fuite et de lutte, c'est cette volonté refoulée du devoir, du vouloir agir, qui, lorsqu'elles perdurent, nous entraînent vers la pathologie. Or les désordres climatiques sont perçus par certains comme menaçant leur intégrité tout en étant hors de leur contrôle. Ils conduisent donc selon la "nouvelle grille" de Laborit à des désirs d'action de survie inhibées. Avoir envie de fuir ou de lutter contre un fléau (que ce soit la menace de la montée des eaux ou une relation difficile avec un hiérarchique au travail ou une surcharge de travail chronique) sans pouvoir réellement y parvenir est donc bel est bien une source d'anxiété. 
Que faire alors?
- Relire Laborit (à défaut revoir le film de Resnais "Mon Oncle d'Amérique") pour s'inspirer de son travail novateur. 
- Trouver un exutoire (légal et naturel) pour fuir (l'éloge de la fuite). 
- Prévenir autant que possible les causes du mal. 

lundi 29 mars 2010

ABSENTEISME ET ABSTENTION

Dans cette période post électorale marquée par une victoire écrasante du "parti de l'abstention" nous pouvons nous demander si, toute proportion gardée, il existe des motivations communes entre ceux qui ne vont pas au travail et ceux qui ne vont pas voter.

L'abstention, disent les sociologues, exprime une incompréhension, un mécontentement, voire une volonté de marquer une défiance à l'encontre des candidats. Le refus de prendre part au vote traduirait une forme de retrait, d'éloignement, d'indifférence et d'incompréhension des citoyens à l'égard des institutions.

Qu'en est t-il de l'absentéisme au travail? L'absentéisme du bureau de vote pourrait t-il expliquer en partie l'absentéisme de l'open space?

L'absentéisme est bien sûr multi-factoriel (maladies indépendantes de l'activité professionnelle,  maladies consécutives à des accidents du travail, maladies liées au viellissement de la population active, problème de démotivation des salariés). Cependant la dernière de ces composantes, nous interroge sur la relation avec la hiérarchie, la justice organisationnelle, le sens de l'engagement et les conditions de travail.

Somme toute peut-être existe t-il une plus value à observer et comprendre les mécanismes qui régissent l'abstention, étudier le désaveu exprimé à nos représentants politiques pour essayer de prévenir l'absentéisme en entreprise.

vendredi 26 mars 2010

LA MODE DU STRESS?

Certains expriment que la médiatisation actuelle du stress est disproportionnée et que la situation était pire autrefois. Quand est t-il réellement?

En réalité, il est bien difficile de répondre objectivement à cette question. Tout au plus nous pouvons proposer quelques éléments des réflexion :

- Suivant le principe que l'on ne mesure que ce que l'on observe, il est impossible de pouvoir faire une comparaison cohérente dans le temps puisque les premières mesures de niveau de stress datent d'environ 10 ans.

- Nous vivons maintenant assez longtemps pour avoir le "luxe" d'observer des problèmes de santé qui étaient "mécaniquement" moins nombreux lorsque l'espérance de vie était plus faible.

- Globalement les modérateurs de stress semblent s'être affaiblis : les valeurs équilibrantes (spirituelles - chute régulière de la fréquentation des lieux de culte, soutien social - exode rural et familles recomposées) semblent moins fortes.

- En parallèle, la nature même des agents stressants a évolué. Ils sont désormais majoritairement  chroniques et de nature psychologique ce qui n'arrange pas les choses puisque le processus de stress est conçu pour répondre à des stimuli aigus.

C'est donc globalement une question qu'il est difficile de trancher et il en va du ressenti et de la subjectivité de chacun. Qu'en pensez vous?

jeudi 25 mars 2010

LES CONSEQUENCES DU STRESS

Environ 80% des consultations médicales sont liées au stress, d’une manière ou d’une autre.    Pr. Herbert Benson, Harvard
La réaction d'adaptation "stress" privilégie l'utilisation des ressources mentales et physiologiques de l'individu pour favoriser sa défense face au danger ressenti, et ce au détriment de fonctions pourtant fondamentales (système immunitaire, digestif, etc.) mais coupables d'être énergétivores. Et si tout cela se déroule dans l'immense complexité de la biologie humaine, lorsque le système immunitaire baisse chroniquement la garde, il est intuitif d'en comprendre les conséquences éventuelles.

Ces conséquences peuvent se classer en quatre grands tableaux, représentés dans la liste non exhaustive ci dessous.

- Les conséquences physiologiques : troubles cardio-vasculaires, douleurs musculaires et TMS, fatigue chronique, migraines, etc.
- Les conséquences cognitives: baisse de la créativité, détérioration de la mémoire, difficulté à prendre des décisions, etc.
- Les conséquences émotionnelles : excitation, tristesse, sensibilité excessive, crises de larme ou de nerfs, etc.
- Les conséquences comportementales : agressivité ou tendance à l'évitement, comportements compulsifs ou addictifs, etc.

Il est important de savoir que le stress chronique est souvent pathogène et que ses conséquences peuvent être multiples et sans apparente relation avec les événements qui en sont la cause. Savoir gérer le stress, c'est aussi savoir reconnaître ses propres signaux précurseurs.

mercredi 24 mars 2010

L'IRONIE DES COUTS CACHES DU CAPITAL HUMAIN

Sauriez vous repérer un éléphant se cachant derrière un roseau?
Pour ceux qui scrutent les vaches à lait ("cash cows"), la réponse est souvent non!

- Les coûts cachés désignent les coûts non repérés par les normes comptables en vigueur et par les systèmes de mesure classiques dont dispose l'entreprise (budgets, comptabilité, audit financier...).

- Les conséquences du stress (absentéisme, rotation du personnel, démotivation, perte d'image de marque etc. la liste est longue) ne sont pas référencées dans les coût visibles des entreprises comme le sont par exemple les charges de personnel ou les achats de matières premières. Ce sont donc des coût cachés.

- De nombreuses études macro-économiques démontrent que le stress concerne actuellement 20 à 30 % des salariés en France. Les coûts cachés qui lui sont associés sont donc devenus très significatifs pour l'entreprise (et pour la société).

Aussi importants puissent ils être et aussi rapide puisse être leur progression, les coûts cachés associés au capital humain en entreprise sont donc généralement ni quantifiés, ni donc surveillés. Dans un certain nombre de cas ils sont pourtant devenus imposants!

Sur demande, nous vous installerons des lunettes d'observation des pachydermes!

mardi 23 mars 2010

STRESS AU TRAVAIL : LE JEU DE QUI PERD PERD

Synthèse de la restitution d'un audit du coût de l'absentéisme mené dans une PME en PACA (220 salariés) 

- Coût estimé pour l'entreprise (2009) : 312000 euros.

Une image dit t-on vaut 1000 mots. J'ai pu observer à cette occasion qu'un seul chiffre (en euros) vaut mieux que de longs discours.

Par curiosité j'ai aussi calculé :

- Coût estimé pour la CPAM (2009) : 177000 euros

- Coût estimé pour la prévoyance (2009) : 208000 euros

Conclusion, la gestion du capital humain en entreprise, tout le monde peut y gagner.

BON STRESS, MAUVAIS STRESS

Aujourd'hui encore, il gravite autour de la problématique du stress de nombreuses idées polémiques. Celle qui consiste à débattre du stress comme étant bon ou mauvais est certainement une des plus ancrée.

Essayons d'y voir plus clair en rassemblant l'état de la recherche en la matière :

- Depuis Selye, Laborit et al. nous savons que le stress est une réaction, un processus d'adaptation aux événements qui menacent nos besoins fondamentaux (sécurité, identité, etc.).
- Les psychologues et avant eux les philosophes ont démontré que l'évaluation de tout événement était teinté par la subjectivité de l'individu concerné. Cette subjectivité est multi factorielle (age, genre, éducation, culture, etc.)
- Sapolsky et de nombreux autres chercheurs ont démontré que la réaction de stress est "optimisée" pour les stimuli de nature physique, de faible fréquence et de forte intensité (par opposition aux agents de stress de nature psychologique et chroniques auxquels nous sommes majoritairement confrontés de nos jours). De ces travaux naît la distinction entre le stress aigu et le stress chronique.
- Karasek a démontré que la latitude décisionnelle était une donnée fondamentale dans l'appréhension d'un agent de stress.

Nous pouvons donc synthétiser ces éléments:
- Le stress est un processus. Il n'est ni bon, ni mauvais en soi, il EST.
- Le stress est un processus subjectif, c'est à dire que ses conséquences bénéfiques (ou délétères) ne peuvent s'apprécier que dans le contexte de la personne concernée.
- Dans les cas d'agents de stress aigu et de faible fréquence, la réaction de stress peut-être considérée comme positive si l'adaptation est couronnée de succès.
- Dans les cas d'agents de stress chroniques, la réaction de stress est utilisée "hors contexte" et de ce fait est souvent délétère. Elle l'est d'autant plus que la latitude décisionnelle de la personne est faible ou perçue comme telle. Les travaux récents du Professeur Eric Gosselin sur la relation entre le stress et la performance confirment ce fait. Il ressort de ce travail que 75% des études montrent une relation inversement proportionnelle entre le stress et la performance, c'est à dire que plus le stress augmente, plus la performance diminue. Bénéficier d'un "bon stress" lorsque ce dernier est chronique et non désiré est donc fortement improbable.


vendredi 19 mars 2010

LA REACTION DE STRESS EST PARFAITE, C'EST TOUT LE PROBLEME

Robert M. Sapolsky, chercheur à l'université de Stanford résume parfaitement l'ironie du stress :
Le concept central dans tous les travaux relatifs au stress est que si vous êtes un zèbre fuyant le prédateur pour sauver sa vie, alors les mécanismes de stress sont merveilleux, exactement ce que vous voulez qu’il se produise pour survivre. Mais quand vous êtes un humain souffrant d’agents de stress adventices, les mêmes mécanismes se mettent en route et génèrent la maladie s’ils sont activés trop longtemps. 
Le processus de stress est ainsi "conçu" pour favoriser une adaptation à des agents de stress de nature physique, de faible fréquence et de forte intensité. Dans ces circonstances, le processus est parfait en ce sens qu'il propose d'une part tout ce dont nous avons besoin pour agir dans l'urgence (oxygénation prioritaire du coeur, du cerveau et des muscles, élévation de l'oxygène sanguin, libération de glucose par le foie, etc.) et sait d'autre part nous "délester" de tout ce qui n'est pas prioritaire (gestion du système immunitaire, de la libido, de la digestion, etc.) selon le principe génial que ces fonctions consomment de l'énergie qui sera plus utile pour assurer notre survie. C'est ainsi que, confrontés à des stimuli de stress chroniques et de nature psychologique, nous utilisons un outil qui n'est pas adapté aux circonstances et cela finit par dégrader notre santé.

CONTROLE TON STRESS, JE MAITRISE

Depuis les travaux du psychologue américain Karasek, nous savons que la latitude décisionnelle est une dimension centrale dans l'apparition des risques psychosociaux (le modèle stipule que la perception d'une faible latitude décisionnelle induit une probabilité accrue de ressenti de stress). Ce modèle est généralement utilisé en entreprise pour diagnostiquer les risques. Une seconde lecture du modèle se révèle intéressante car elle donne une piste pour expliquer pourquoi le stress au travail est un tabou.

Prélude:
Sur le chemin sinueux des vacances, monsieur (ou madame) conduit jovialement la voiture. Madame (ou monsieur) ressent lui (elle) l'inconfort de la position du passager.

Application traditionnelle du modèle de Karasek:
- Le conducteur a le contrôle sur la vitesse et la direction du véhicule et donc la latitude décisionnelle d'agir si un danger se présente. A son coté, le passager n'a aucune latitude (sauf celle de signaler son inconfort). Ce dernier est donc dans une situation de stress potentiel plus forte.
- En entreprise, tout comme dans cet exemple, ceux qui ont le contrôle souffrent généralement moins de stress. Le but est donc d'utiliser le questionnaire Karasek pour diagnostiquer le niveau de contrôle des uns et des autres et de trouver des solutions pour augmenter ce contrôle auprès des personnes qui en sont le plus dépourvues.

Seconde application du modèle de Karasek:
- S'il ne connaît pas le modèle de Karasek (et il est probable que ce soit le cas) le conducteur ne peut pas comprendre la réaction du passager (objectivement tout va bien pour lui donc il perçoit que ce devrait être le cas également pour le passager). Pour la même raison le passager, ne peut pas comprendre la réaction du conducteur (objectivement cela va mal pour lui donc il perçoit que ce devrait être le cas également pour le passager). 

- C'est bien sûr la même chose en entreprise. Le dirigeant, dont le niveau de contrôle est souvent supérieur à celui du salarié, ne peut pas comprendre le ressenti et la doléance du salarié, qui lui même ne peut pas comprendre l'attitude du dirigeant (a moins que tous ne connaissent ce modèle et c'est précisément le point). S'en suit un dialogue de sourd trop connu.

Moralité, pour briser le tabou du stress, il faut vulgariser ce modèle qui permet de comprendre les différences de perspectives dans la communication entre les différents acteurs. Et se comprendre, c'est un premier pas vers la prévention.

jeudi 18 mars 2010

PREVENIR LE RISQUE A QUELLE SOURCE?

Il est devenu de bon ton de parler de prévention primaire lorsque l'on se réfère aux interventions sur les RPS en entreprise. C'est une bonne chose et de fait, combattre le risque à la source doit être la priorité. Mais de quelle source parle t-on?
En réalité, la prévention primaire telle que la définissent les préventeurs (repenser l'organisation du travail, former le management, programmes de reconnaissance au travail, etc.) n'est primaire qu'à l'échelle de l'entreprise. Il existe en effet de nombreux paramètres macro-économiques en amont de cette dernière et qui agissent sur elle. Ici les injonctions de rentabilité des investisseurs, là la pression d'une concurrence peu loyale. En étiquetant "prévention primaire" les activités sous l'influence des décideurs en entreprise, le risque est d'une part de diaboliser l'organisation du travail (et donc ceux qui la définissent) et d'autre part d'omettre la responsabilité des grands architectes du monde.
La "vraie" prévention primaire serait de créer un système économique mondial moins violent et plus respectueux de l'homme et de son travail.
En attendant de résoudre ces préoccupations vertigineuses, nous devons certes nous concentrer sur ce qui est à notre portée et sous notre contrôle, c'est à dire sur l'organisation du travail et le management, sans oublier cependant qu'il existe des causes plus en amont par ailleurs.

mercredi 17 mars 2010

FROMAGE ET DESSERT

Il y a au moins une bonne raison d'être optimiste concernant l'intensité de l'effort que les entreprises vont devoir consacrer à la prévention des RPS (qui rappelons le, sont en réalité des risques psychosociaux et économiques).

Voici l'argument:
1- Une raison d'être des entreprises est de générer du profit pour les actionnaires. Le corollaire est, ce qui entrave le profit doit être maîtrisé.
2- La mondialisation est un modèle économique qui requiert mécaniquement de grandes capacités d'innovation et d'adaptation au changement de la part des entreprises situées dans les zones à fort coût salarial (le cas de la France). En effet, puisqu'il y a plus d'acteurs dans le système, il faut s'adapter plus vite aux évolutions du marché pour sortir du lot. D'autre part, puisque certains de ces acteurs fabriquent moins cher, il faut se différencier par la création de valeur.
3- Innovation et adaptation nécessitent des ressources mentales que le stress dévalise. Autrement dit, pour être créatif et flexible sur le long terme, il faut travailler dans un environnement serein.

Conclusion, dans un monde globalisé, les chemins de la performance économique et de la gestion du capital humain en entreprise convergent.

mardi 16 mars 2010

LE STRESS COUTE 4% DU PIB, ET ALORS?

Des chiffres circulent estimant le coût du stress entre 3 et 5 % du PIB en France. Et alors? Qui dans l'entreprise sait associer à cette valeur une réalité concrète? En un mot, la macro-économie est certainement utile aux ministres pour piloter les politiques, mais elle parle peu aux dirigeants et contrôleurs financiers qui tiennent les cordons de la bourse dans l'entreprise. Parler d'argent est certainement une bonne idée, puisque c'est un langage universel dans le monde des affaires. Mais ce qu'il faut, ce sont des chiffres micro-économiques, à l'échelle de l'entreprise concernée. Par exemple, j'ai remarqué que fort souvent les k€ du coût estimé de l'absentéisme dans une PME résonnaient bien plus que les milliards d'euros issus des estimations à l'échelle nationale.

BRISER LE TABOU DU STRESS AU TRAVAIL

Si, injonctions ministérielles aidant, la cause de la prévention des risques psychosociaux en général et du stress en particulier progresse, les résistances au changement semblent encore vives en la matière. Sans parler de la difficulté potentielle de l'intervention de prévention elle même, le premier défi est donc de briser le tabou concernant ces risques psychosociaux. Ce tabou a ses raisons d'être, celles de protéger les dirigeants de risques qu'il faut donc analyser et comprendre.

Le premier de ces risques et celui de la responsabilité présumée. Consciemment ou pas, légitimement ou pas le dirigeant a peur d'être vu comme le coupable lorsque la situation concernant les RPS dans son entreprise est dégradée. Il tend donc à minimiser, voire à éviter le problème. Or, l'analyse de causes dans la logique binaire du duo patron - salarié est très restrictive et inadaptée à notre réalité.

Nous pouvons par exemple nous poser la question de ce que serait le niveau de stress chez l'opérateur téléphonique historique français si cette entreprise n'avait pas subi de profondes transformations structurelles suite à la libéralisation des Télécom en Europe au milieu des années 1980? Et que dire de la PME soumise à une forte pression suite à l'émergence soudaine de nouveaux concurrents dotés de structures de coûts plus favorables? Qui porte la responsabilité du stress dans l'entreprise dans ces cas?

Il n'est bien sûr pas inutile de chercher des causes devant une situation de stress révélée, mais il est important de le faire dans une analyse systémique qui inclus tous les acteurs et toutes leurs interdépendances, c'est à dire les salariés, les patrons et la sphère politique (OMC, Europe, politiques nationales, etc.). Dans un monde globalisé, les responsabilités des dirigeants doivent s'analyser dans la perspective de l'environnement auquel ils sont confrontés. Puisque les responsabilités sont souvent multiples et partagées, il est possible de se regarder dans les yeux et de commencer à travailler ensemble sur la prévention.

J'aborderai prochainement sur ce blog d'autre réflexions pour briser le tabou du stress.

lundi 15 mars 2010

CHOCOLAT SUR L'OREILLER

Il est toujours agréable de se faire accueillir dans un hôtel ou dans un restaurant par un(e) serveur(euse) avenant(e) ayant une préoccupation sincère pour le bon déroulement de votre expérience au sein de son établissement.
Pourquoi?
Tout simplement parce que ces marques d'attention renforcent une dimension importante de notre être, celle de l'estime de nous même. L'Homo Sapiens aime se sentir valorisé.
Puisque cette règle fondamentale de la psychologie humaine est connue, puisqu'elle a par ailleurs démontré son efficacité, pourquoi en restreindre l'usage? Si les clients s'en réjouissent, les salariés, les collègues de travail ne pourraient t-ils pas en retirer autant de profit?
Lors de mes formations en entreprise sur la prévention du stress, je suis toujours frappé d'entendre à quel point le manque de reconnaissance est une des causes principales de la démotivation. En la matière, une attention sincère semble être en mesure de faire une grande différence.

Risques Psychosociaux et Economiques (RPSE)

Pour combattre le fléau de la souffrance au travail, aucun levier n'est à négliger. Aujourd'hui, les arguments se construisent principalement autour de 3 idées. Ainsi, il faut prévenir le stress:
- parce que c'est obligatoire au regard de la loi française
- parce que c'est socialement responsable
- parce que ce sera prochainement une nécessité sociologique (guerre des talents...)

Si ces arguments ne manquent pas de pertinence, l'adjonction d'une "arme fatale" ne semble pas de trop pour faire pencher la balance dans la direction d'une volonté déterminée de s'engager dans la prévention. Ce levier, c'est l'argent. En effet, comme il est possible de le démontrer, les conséquences collectives du stress (absentéisme, rotation de personnel, etc.) ont un impact grandissant sur la performance économique des entreprises.

Pour fédérer toutes les énergies vers une démarche de prévention, et avec pour objectif final de prévenir les RPS (risques psychosociaux), je propose donc de remplacer cet acronyme par son avatar RPSE (risques psychosociaux et économiques).

dimanche 14 mars 2010

QU'EST CE QUE LE STRESS?

Depuis un an, pas un jour ne passe sans une allusion dans la presse au grand méchant stress. En réalité, plus que le stress lui même, ce sont ses causes ou ses conséquences qui sont généralement évoquées. Car le stress est avant tout une réaction, un processus d'adaptation aux changements qui menacent notre intégrité. En particulier, cette réaction s'est construite pendant le développement de l'espèce humaine pour lui permettre de faire face à des agents de stress de nature physique, de faible fréquence et de forte intensité (exemple, le prédateur qui nous désire pour son repas). Cette fonctionnalité d'adaptation nous a été très utile pendant des millénaires et sans le stress nous n'aurions certainement pas survécu à l'évolution des espèces. Malheureusement les agents de stress auxquels nous sommes confrontés actuellement sont souvent chroniques et de nature psychologique. C'est à dire que les causes de stress actuelles sont fondamentalement différentes de celles pour laquelle le processus du stress a été optimisée. Nos organismes ne sont tout simplement pas fait pour gérer cela!

PREVENIR OU GERER LE STRESS? (2)

Lors d'un échange avec le Pr. Cary Cooper, psychologue américain mondialement connu pour son expertise sur le stress, celui ci m'a livré cette phrase éclairante :
Il est essentiel qu'une organisation, que ce soit dans le secteur public ou privé, fournisse un environnement de travail qui améliore le bien-être des salariés. La science nous a dit ce que ces sources de bien-être sur le lieu de travail peuvent être. D'autre part, les individus devraient être aidés à s'aider eux-mêmes et à faire ce qu'ils peuvent pour vivre et travailler en bonne santé. Ce n'est pas un "ou" scénario mais une double approche. L'un sans l'autre sera moins efficace.
Deux bonnes nouvelles donc:
- les techniques de prévention du stress sont connues. Il faut les diffuser!
- une méthodologie d'intervention a démontré sa pertinence, celle qui agit sur les deux leviers de la prévention et de la gestion.

samedi 13 mars 2010

PREVENIR OU GERER LE STRESS?

Au sein de l'entreprise, le dicton populaire "mieux vaut prévenir que guérir" se traduit souvent sous la forme d'une question "faut t-il prévenir (repenser l'organisation du travail) ou gérer (accompagner les personnes en difficulté) le stress? Question polémique à souhait et au sujet de laquelle les tensions se cristallisent en France. Pour toute alimenter votre réflexion sur ce sujet je voudrais partager une histoire de notre temps.
Au Bangladesh, la montée des eaux menace gravement de nombreuses exploitations agricoles et leurs habitants. Pour prévenir le danger d'inondation, des digues se construisent. Par ailleurs, différentes ONG dont l'UNICEF adoptent une toute autre stratégie, elles apprennent à nager aux enfants!
Moralité, à la question initiale il est possible de substituer une autre voie, celle du prévenir ET du gérer.
Restent deux questions qui seront abordées dans de prochains posts (vos suggestions sont d'ores et déjà bienvenues):
- Comment "construire des digues" en entreprise pour prévenir le stress?
- Comment "apprendre à nager" pour le gérer?

vendredi 12 mars 2010

JE M'OCCUPE...

Quand je demande à des cadres comment se passe leur travail, il m'arrive d'entendre pour tout réponse, "je m'occupe". La suractivité pour certains, le désengagement pour d'autres.
Deux choses me frappent:
- je rencontre de plus en plus de ces cadres qui "s'occupent".
- ce phénomène se déroule dans une grande indifférence.
Tout ceci n'est t-il pas problématique? Selon l'expression désormais consacrée, nous sommes confrontés à une guerre économique. De nombreux bras dans de nombreux pays produisent plus vite et moins cher que chez nous. Que nous reste t-il dans l'industrie sinon la capacité d'innover et de produire des biens et services de qualité? Comment créer de la valeur quand le travail devient une "occupation"? A partir de quel taux de désengagement doit t-on considérer la situation comme critique et décider de s'attaquer aux causes qui le déterminent?

Bien souvent, les entreprises recherchent la croissance économique dans la sophistication d'une offre produit, d'un montage financier ou d'une stratégie commerciale. Au delà des ces possibilités il existe une "poche de croissance" insoupçonnée dans la bonne gestion de leur capital humain. Explorons la!

Souvent, ces personnes que j'interroge, m'expriment qu'elles préféreraient s'investir dans leur travail.
Il me semble que l'enjeu fondamental des prochaines années est de re-mobiliser ces ressources existantes, disponibles et bien souvent excellemment formées. Cela passe d'une part par une prise de conscience que le potentiel de croissance tant recherché existe également au sein de l'entreprise et d'autre part qu'il ne se développe que dans une approche humaine du management.