samedi 8 septembre 2012

METHODOLOGIE DE DIAGNOSTIC DES RISQUES SOCIAUX

J'entends et lis ici et là que l'analyse de données en général et les statistiques en particulier n'ont pas leur place dans les diagnostics concernant les conditions de travail et la prévention des risques sociaux en entreprise. L'audit et le conseil sur ces thématiques seraient en effet l'affaire de ceux qui sont formés à écouter et observer, non des matheux qui utilisent des chiffres et calculent. Pour comprendre ces risques sociaux, seule l'approche qualitative, représentée par la capacité d'observation et d'écoute des experts serait ainsi adaptée. Il s'agit à mon sens d'une erreur aussi grossière que dangereuse. Je ne réfute pas bien sûr tous les arguments proposés. Certes l'analyse de données doit être menée selon des règles méthodologiques validées et par des personnes qualifiées. Certes, elle ne doit séduire par son apparente simplicité au point de se détourner de l'écoute des salariés et de l'observation des situations de travail. Ainsi, la proposition ne consiste pas à démontrer qu'une approche est meilleure ou pire que l'autre, ou de proposer une démarche uniquement basée sur l'analyse de données. L'importance du sujet et de ses conséquences sociales ne supportent certes pas de posture dogmatique. Au contraire, le but est de proposer une méthodologie unifiée qui concilie le meilleur des deux mondes (quanti et quali) et rassemble les meilleures expertises (psychologue, ergonome, sociologue mais aussi donc statisticien) au bénéfice de la précision du diagnostic proposé.
Pourquoi donc l'observation et l'écoute sont-elles insuffisantes et qu'est ce qui légitime l'utilisation de l'analyse de données dans la méthodologie de diagnostic des risques sociaux?
En premier lieu la sophistication mathématique a déjà très largement démontré sa valeur ajoutée dans des secteurs d'activité liés à l'humain. Les diagnostics qu'elle propose sont bien connus comme étant plus rapides et plus fins. Est-il possible aujourd'hui de se passer d'échographies, de scanners et d'IRM ?
En second lieu le problème n'est pas de modéliser le comportement d'un individu, mais d'appréhender les causes pouvant expliquer le comportement d'un collectif, d'un groupe d'individus. La nuance est de taille entre l'analyse des déterminants de l'absence de tel salarié et l'analyse des déterminants de l'absence des 150 salariés. L'être humain, bien-sûr, est infiniment complexe et il est certes raisonnable de se méfier des modèles simplificateurs. Mais lorsque les conditions de travail dans les entreprises sont vécues, perçues, de manière semblable par des collectifs, alors ces collectifs peuvent manifester des comportements identiques que l'analyse statistique sait découvrir.
Pour finir, il faut encourager l'utilisation de données objectives parce que tel est le langage de ceux qui décident. Le dirigeant veut des chiffres. S'opposer à cette volonté revient à se plaindre de la progression des risques sociaux tout en créant les conditions pour qu'ils perdurent.
Les risques sociaux (absentéisme, RPS, roulement du personnel, conflits) représentent certainement la catégorie de risque la plus complexe parmi les risques portant sur la santé et la sécurité des salariés. Voilà une raison suffisante d'utiliser tous les outils à disposition et s'écarter de postures culturelles qui privilégient une méthode plutôt que l'autre. L'analyse de données ne remplace pas l'observation, elle l'enrichit.

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