jeudi 17 novembre 2011

CARENCE ET ABSENCE

Pour se forger une idée concernant l'initiative d'ajouter un jour de carence pour les arrêts maladie, il faut étudier les liens entre la carence et l'absence.
En préambule trois éléments de contexte :
- "l'absentéisme confortable" (ne pas aller au travail quand on est bien portant) s'il existe, est régulièrement surestimé (il représente moins de 15% des cas d'absence en France - voir note 1)
- "le présentéisme inconfortable" (aller au travail quand on est souffrant) est non négligeable et sans doute sous-estimé en période de chômage fort, bien que peu de chiffres existent à ce sujet. Certains médecins expliquent ainsi que leurs patients refusent de suivre leurs prescriptions d'arrêts maladie de peur de jugements et représailles au travail.
 - les grandes entreprises sont nombreuses à compenser les indemnités journalières pendant les jours jours de carence. Cette réforme concernera ainsi principalement le public et les TPE / PME.

Quels sont donc les liens entre l'absence et la carence ?
Il y a tout d'abord le lien direct :
- Augmenter la carence a pour objectif avoué de vouloir réduire l'absentéisme de confort. Cette technique parait efficace si l'on en juge par le fait que les entreprises privées qui ne prennent pas en charge ces jours de carence ont un taux d'absentéisme moyen plus faible que celles qui ne les prennent en charge. Des perspectives d'économies réelles existent donc pour la sécurité sociale (200 millions d'euros sont escomptés). Elles doivent cependant être estimées au regard du nombre marginal de cas "d'absentéisme confortable" et de la portée limitée de cette mesure auprès des grandes entreprises.

Considérons ensuite les liens indirects :
- Pour les petits budgets, augmenter la carence risque d'augmenter le "présentéisme inconfortable". Ceci aura des conséquences sur une baisse de productivité et une hausse de l'absentéisme maladie (dans le cas de symptômes contagieux par exemple). Cette conséquence aura donc des effets contraires à ceux espérés et viendra annihiler en partie les bénéfices de la réduction de "l'absentéisme confortable".
- Sur le principe bien connu que "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" les tentatives pour contraindre l'absentéisme (ajout d'un jour de carence et surtout multiplication des contrôles) qui ne traitent pas des causes principales, risquent d'avoir des effets collatéraux pénalisants pour les entreprises. Si l'on accepte en effet l'idée que l'absentéisme peut-être dans une certaine proportion une soupape à la frustration et fatigue des salariés face au travail et aux conditions de travail, éliminer cette soupape ne résorbe pas la frustration, mais l'oriente vers d'autres moyens d'expression tout aussi pénalisants pour l'entreprise (démotivation, résistance au changement, conflits, etc.).  L'augmentation de la durée de la carence peut ainsi être vue comme une source potentielle d'économies pour les dépenses publiques et une source possible de pertes pour les entreprises et collectivités. Charge à elles d'investir dans la prévention.
Car disons le à nouveau, l'absence n'est pas absente de sens, et pour réduire durablement l'absentéisme professionnel il faudrait orienter les entreprises vers l'amélioration des conditions de travail, ce qui est la responsabilité partagée de la sphère politique et des décideurs en entreprise.

Sur ce sujet lire également :
L'absence n'est pas absente de sens
L'absence n'est pas absente de sens (2)
Prévenir l'absentéisme professionnel

(1) En 2008, sur 1,5 million de contrôles, la CNAM a constaté que 13 % des 285 000 réalisés pour des arrêts de courte durée étaient "injustifiés ou trop longs", soit 37 050 cas (note : méthode d’échantillonnage non connue). Dans le cas des arrêts de plus de 45 jours, systématiquement contrôlés, on comptait 11 % de cas "inadaptés ou injustifiés" sur 1,2 million, soit 132 000.

lundi 7 novembre 2011

LA PREVENTION DU STRESS NE SUFFIT PAS

Ceci est difficile à admettre pour un consultant mais il me semble honnête de préciser ma conviction que la prévention du stress ne suffit pas et ne suffira jamais. Non pas bien sûr qu'elle soit inutile, mais elle ne peut, par construction, répondre à l'objectif d'éradiquer le stress et les risques psychosociaux au travail. Pourquoi ? Parce que les principales causes du stress trouvent leurs origines en dehors de l'entreprise. Pour s'en convaincre il faut démonter pièce par pièce la mécanique du stress.
Partons d'une des définitions : le stress est un trouble de l'adaptation aux événements chroniques qui sont perçus comme menaçant nos besoins fondamentaux.
Le processus met donc en relation un individu (et sa subjectivité) et l'événement perçu comme menaçant ses besoins. Cette représentation offre deux perspectives dans le cadre du stress au travail : d'une part accompagner les salariés dans leurs ressentis ou / et leurs représentations et d'autre part réduire la probabilité d'apparition des agents de stress dans l'entreprise. La première de ces perspectives de prévention est l'affaire des thérapeutes, la seconde, celle des préventeurs. Si l'action de ces derniers doit être prioritaire pour la simple raison qu'il vaut mieux prévenir que guérir, ces deux modes d'action peuvent se compléter en fonction de l'urgence de la situation. La logique voudrait que l'on pousse l'analyse plus loin encore en se demandant ce qui cause l'émergence d'agents de stress dans l'entreprise. Autrement dit pourquoi l'entreprise génère t-elle des agents de stress envers ses salariés ? Il y a plusieurs réponses à cette question, mais la plus importante à mon sens est, l'entreprise génère des agents de stress parce qu'elle est emprisonnée dans un écosystème dont les règles et modes de fonctionnements sont d'une violence inouïe. Ainsi les salariés sont stressés parce que l'écosystème des affaires (économie et technologie principalement) génère un niveau d'incertitude que l'entreprise ne peut totalement absorber. Ainsi, sur le long terme, la prévention au niveau de l'entreprise offre des perspectives limitées si en amont le système continue à créer de l'incertitude (étant bien entendu que ces perspectives limitées valent mieux que rien). Pour résoudre le problème il faudrait monter un cran plus haut et changer les règles du système économique mondial.
Conséquences :
- L'entreprise et les managers ne portent pas toute la responsabilité des RPS
- Ultimement, c'est au niveau macroéconomique que se joue la prévention durable des RPS
- Dans l'attente d'une solution en amont, les deux leviers restants sont dans l'ordre, 1- l'organisation / les conditions de travail, 2- l'accompagnement des salariés.

Sur le même thème voir "RPS : Pour la prévention hors catégorie"

mardi 1 novembre 2011

CHANGEMENTS, RESISTANCES, PARITARISME, ETC.

A l'occasion d'une intervention de conseil récente sur l'accompagnement au changement dans un contexte d'acquisition d'entreprise, j'ai retravaillé des éléments de méthodologie dont je voudrais partager un extrait ci-dessous. La question auquel cet élément fait référence est : "quels sont les principales règles permettant d'accompagner le changement avec succès ?" Pour répondre à la question de ce qui marche, je propose d'observer et réfléchir à ce qui ne marche pas et de raisonner par contraposée. Donc, qu'est ce qui ne marche pas lorsque l'on désire conduire le changement ? Ou dit autrement quels sont les exemples de changements "ratés" et que nous apprennent-ils? Parmi une multitude d'exemples, j'en ai choisi deux (ayant en commun d'être relatifs à des tentatives de réformer l'éducation nationale) qui me semblent avoir une portée pédagogique intéressante :

Ainsi l'autoritarisme est l'ennemi du changement et la démarche participative est une mode qui a ses raisons d'être. Trop souvent, c'est la méthode employée pour conduire le changement qui est responsable de l'adaptation ratée, plus que l'ampleur du changement a effectuer lui même.


Le mépris est un moyen puissant pour créer ou renforcer des résistances auprès des personnes concernées par le changement proposé. Rien de mieux pour mobiliser l'énergie contre le projet et ainsi le faire échouer avec quasi certitude.